SUR VESTIGES CRÉATION POUR QUINTETTE (VIOLONCELLE SOLO ET QUATUOR À CORDES) - DANIEL D’ADAMO

CRÉATION LE 4 OCTOBRE 2018

La Belle Saison 2018-2019

Création le jeudi 4 octobre 2018 au Théâtre de Coulommiers

Le Quatuor Béla
Frédéric Aurier, violon
Julien Dieudegard, violon
Julian Boutin, alto
Luc Dedreuil, violoncelle
& Noémi Boutin, violoncelle

Note d’intention de Daniel D’Adamo

« Quand le quatuor Béla et Noémi Boutin m’ont proposé de composer un quintette à cordes à deux violoncelles, ce que j’ai tout de suite accepté, j’ai bien sur pensé au quintette de Franz Schubert. Cette oeuvre extraordinaire m’avait accompagné en enregistrement et en partition durant mes années d’étude au Conservatoire de Lyon. Quelques années plus tard je l’avais présentée à plusieurs reprises en cours d’analyse aux conservatoires de Tours et de Paris. Une pièce fétiche, en somme, qui re-surgissait alors comme future partenaire de programme de concert : la commande devait être un penchant de la pièce de Schubert, un alter ego à la distance. Conçue comme un double éloigné de l’oeuvre de Schubert la pièce devait d’une certaine manière, surgir des décombres de l’autre. Dans le programme, elle la précèderait. Tout ceci était très stimulant. 

J’avais par le passé composé en réplique à des oeuvres du répertoire : mes Madrigali aux monodies vocales de Sigismondo D’India et Nuits-Cassation en réponse à la Gran Partita de W. A. Mozart. J’ai voulu faire différemment cette fois-ci, prendre d’autres chemins : composer comme celui qui ramasse les vestiges d’une oeuvre oubliée, les observe et les recycle avec les contraintes de son époque. À travers ce positionnement, j’ai voulu rendre compte des métamorphoses liées au temps que la pièce de Schubert et son langage ont pu subir. Celles de sa syntaxe et de ses codes expressifs désuets. Celles des codes de construction formelle plus du tout dans les normes. Et surtout, celles liées à la technique instrumentale elle-même, qui a tellement évolué ces dernières années. Ce dernier point représente pour moi un véritable enjeu d’époque et aussi une ressource musicale inépuisable. Une autre idée avec ses propres conditionnements surgissait à partir de la disposition que le premier violoncelle allait avoir sur scène : il serait au centre et sur le devant de la scène, tandis que le quatuor se placerait sur un second plan et surtout, caché derrière des écrans pour la projection d’images et de lumières. Un quatuor doublant le violoncelle dans un double du double schubertien : les poupées russes qui s’entourent en même temps qu’elles se poursuivent. Se harcèlent. Dans ce dispositif scénique, les membres du quatuor seraient des partenaires cachés mais audibles. Leur son précédant leur apparition physique, les lumières précédant leurs gestes, leurs actions et les sons qu’ils projetteraient. Un vrai combat.

Ce conflit à enjeux multiples, mettrait en évidence plusieurs plans de signification : l’idée de réplique s’est alors installée dans la dynamique de composition de la pièce. Réplique : réponse à l’attaque, antidote fragile à l’argumentaire dévastateur, secousse après le grand tremblement. Mais aussi : replier l’argumentaire adverse avec l’objectif de le faire replier à son tour. Repartir. Si la réplique est féminine l’attaque peut tout aussi bien l’être. Dernier élément donc de cette véritable mise en scène sonore et musicale : une jeune fille sera le seul être humain que l’on percevra sur scène, le seul témoin visible de notre écoute, la seule actrice apparente et en apparence, la seule responsable visible du combat. Elle est à la fois à l’origine de la première pierre et victime des secousses, responsable des (contre) attaques et cible des répliques les succédant. Une jeune fille « belle comme l’aurore ».*

Daniel D’Adamo

* la citation appartient à Pascal Quignard, et se retrouve dans le IVe traité de « La haine de la musique ». L’auteur évoque la légende de Jean de l’Ors, être hybride, mi-humain, mi-animal, né de l’accouplement d’un ours et d’une femme. On retrouve cette même mythologie dans différentes régions des forêts d’Europe, souvent très distantes.

24 minutes

Co-commande avec Proquartet – Centre européen de musique de chambre.